Centre Culturel Français de Tripoli - Liban

Centre Culturel Français de Tripoli - Liban

Bougies jubilaires (Philippe HARDOUIN)

Il est des dates qui se fêtent et des moments qui se dégustent longtemps après leur départ vers ce lieu plus ou moins identifiable qu’on appelle « passé ».

Ainsi, lorsqu’on me demanda de rédiger un article à l’occasion du cinquantième anniversaire du Centre culturel de Tripoli, ai-je hésité entre ma volonté de chanter encore et toujours les louanges de ce théâtre d’activités culturelles, artistiques et pédagogiques -histoire de souffler avec lui ses bougies jubilaires et de lui chuchoter mes vœux pour une vie si longue qu’elle rivaliserait avec celle des Grands classiques que l’on retrouve sur les étagères de sa médiathèque-  et mon désir de remonter le cours du temps jusqu’à ces années où la vie de cette institution et la mienne furent liées par des relations exquises. J’ai fini par décider de céder à ces deux tentations simultanément ; de chanter l’événement et de me promener, une fois de plus, dans les ruelles déjà lointaines mais bien vivantes de mon expérience en tant que directeur du CCF.

Les cinq années que j’ai passées au Liban, je les ai intensément vécues au rythme de cette antenne dynamique de la mission culturelle française. Lorsque je débarquai à Tripoli en cet automne 2001, je m’étais retrouvé dans un grand bureau d’un immeuble moderne où, malgré ma connaissance du Moyen-Orient, je m’étais senti confronté à un grand nombre de défis : un pays chaleureux est un pays où l’on se ressource en lumière il est vrai, mais qui dit lumière dit aussi grandes zones d’ombres. Il fallait donc que je commence par déchiffrer ces zones d’ombres. Que j’identifie les attentes. Que je mène aussi à bon rivage ce travail que j’avais exercé toute ma vie, celui de messager de la langue et de la culture française.

L’équipe du CCF, ses conseillers pédagogiques, les amoureux fervents de sa bibliothèque et même certains politiciens francophiles, me tendirent tous, chacun à sa manière, une main amie qui me permit de déblayer le chemin, de me tailler un passage jusqu’à un grand public qui accueillit les différentes activités à l’époque avec joie et enthousiasme.

Le CCF de Tripoli partit ainsi à la conquête du Akkar, de Koura, de Menieh, de différentes régions du Liban Nord où l’on accueillait les sessions de mise à niveau linguistique et les ciné-caravanes à bras ouverts. Les portes s’ouvraient et doucement se glissait dans les écoles et les maisons, ce petit vent discret, respectueux des cultures locales et fier de la langue qu’il charrie, ce mistral tout doux qu’est la francophonie.

Et derrière tout cela donc ? Beaucoup de bonne volonté évidemment mais surtout l’esprit du CCF de Tripoli !

Au fil des années, j’eus le loisir d’écouter de longs récits radieux, toujours neufs, des années de guerre où le CCF a continué à être un havre pour les amoureux des lettres et les écoliers qui cherchaient à améliorer leur connaissance de la langue française. Des cinéphiles aussi puisque, malgré les coupures d’électricité fréquentes, les bombes et les obus, l’on y passait des films, projetait plutôt. Ainsi Marcello Mastroianni, m’ont raconté des jeunes gens, fut-il leur premier contact avec l’œuvre de Camus, lorsqu’ils eurent l’occasion de le voir dans le rôle de l’étranger. Les Pêcheurs d’Islande de Loti y auraient fait naufrage aussi paraît-il. Un havre donc oui. Qui offrait des livres plus ou moins jaunis en temps de guerre mais qui mettaient leur grain de rêve dans l’existence de leurs lecteurs et dont la médiathèque compte aujourd’hui quelques 16.000 documents !  

Ma dernière année au CCF fut hélas marquée par la guerre de 2006. J’eus pour un certain temps comme une crainte que toute cette aventure fantastique, ce déploiement culturel, ce dévouement que les amoureux du Centre affichaient, devienne lettres mortes. Ma dernière visite au Liban au printemps dernier m’a démontré que les choses dans ce pays reprennent toujours leurs cours et que la vie triomphe.

Je me souviens de tant de visages qui ont mis un peu de leur regard dans cette aventure de la langue française à Tripoli. De bibliothécaires, de politiciens, de professeurs d’université ou de langue, de dilettantes, de rêveurs.

Je me souviens d’un étudiant démuni qui s’était donné beaucoup de mal pour réunir l’argent nécessaire pour se présenter au DELF et je rêve qu’il ait pu continuer son chemin. Que les enfants qui fréquentent les ateliers des contes au CCF puissent mettre des couleurs de tolérance et de culture où qu’ils aillent. Que les professeurs qui sont liés au CCF par une longue histoire et par l’amour du français continuent à porter la flamme. Que, que, que ….

Et Merci CCF de Tripoli de m’avoir permis de parler encore une fois de cette expérience qui m’est chère ! Tu es un ami véritable ! Je ne cesserai jamais de le répéter. Après tout, j’ai fait avec toi 5 ans de chemin, le dixième de ton existence et c’est une chance de garder un ami aussi longtemps. C’est le genre d’amitié qui ne disparaît jamais. J’ose donc te souhaiter de longues, longues années Vieil Ami! Et je suis certain que toi, avec tous ces livres/CD/DVD qui meublent tes étagères, tu ne prendras jamais de la bouteille !   

 

Philippe HARDOUIN

 

N.B. Le titre de l'article est choisi par l'administratuer du blog 

          

 



27/11/2009
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