Centre Culturel Français de Tripoli - Liban

Centre Culturel Français de Tripoli - Liban

Une histoire de sympathie avec le C.C.F. de Tripoli (Zahida Darwiche Jabbour)

Célébrer le cinquantième anniversaire du Centre Culturel Français, c'est l'occasion de remonter le fil du temps pour évoquer une période fleurissante de la vie culturelle à Tripoli et de la place privilégiée qu'y occupait le C.C.F., et de comparer le présent au passé avec peut-être beaucoup de nostalgie, sinon de regret.

Je ne prétends ici qu'à un témoignage, au demeurant subjectif, tout nourri qu'il est de souvenirs personnels.

Mon premier contact avec cet établissement, remonte à mon adolescence, lorsque j'ai accompagné mon père au C.C.F. de Beyrouth pour assister à une pièce de Molière, Les Femmes Savantes, jouée au théâtre de la Salle Montaigne par une troupe française. C'était mon premier contact avec le théâtre français, voire avec une expression vivante de la culture française qui exerçait déjà sur moi une certaine fascination.

Mais la relation véritable n'a commencé qu'au début des années quatre-vingt après mon retour de France à la fin de mes études supérieures. La ville connaissait un bouillonnement culturel, l'insécurité et l'état de troubles à Beyrouth ayant avantagé une "décentralisation de la culture". Sous la direction de Gaston Tonin qui a réussi grâce à ses qualités personnelles et à sa connaissance de la culture moyen-orientale, à gagner la sympathie et l'amitié de beaucoup de tripolitains, le centre était devenu le lieu d'une interaction et d'une rencontre au quotidien entre les deux cultures, française et libanaise. La coopération avec la Rabitah as-Saqafié qui fut à l'époque l'un des hauts-lieux de la culture non seulement à Tripoli, mais dans tout le nord, était étroite et extrêmement utile. Que de concerts, de récitals de poésie et de pianos, de pièces de théâtre aussi - Les Chaises d'Ionesco, L'Avare et Dom Juan de Molière et autres… - ont été présentés sur la scène de la Rabitah à l'initiative du C.C.F. où les intellectuels francophones du Nord trouvaient un espace accueillant qui s'ouvrait à leurs contributions dans les divers domaines de l'activité culturelle. L'université Libanaise fut l'un des partenaires les plus dynamiques du C.C.F. en atteste, à titre d'exemple, l'Exposition Apollinaire que la Faculté des Lettres a accueillie, la table ronde sur l'enseignement du français ainsi que maintes conférences animées par les professeurs.

Lorsque le jeune Sydney Peyrolles a succédé à Gaston Tonin, un état de tension politique s'annonçait déjà à Tripoli où le C.C.F. devait subir les conséquences du mécontentement de certains groupes puissants à l'époque à l'égard de la politique de la France. Le drame de l'enlèvement de Sydney Peyroles secoua fortement l'opinion publique, et il fut pour moi un choc bouleversant, Sydney était un grand ami, un esprit pacifique, sensible aux problèmes du monde arabe, un être ayant une sympathie sincère pour les libanais en général et les tripolitains, en particulier. Heureusement des pourparlers ont abouti à la libération du directeur du centre. La France décida toutefois de ne plus nommer un directeur français mais pour éviter la fermeture du centre, un comité local fut chargé de prendre la relève provisoirement. Or le provisoire avait duré deux ans environ au cours desquels le comité formé de Chadia Nini, Omar Monla, Saïd el-Wali, Riad Beydoun, Béchara Karam, Mostapha Alameddine et Zahida Darwiche, n'a pas manqué de zèle pour que le centre persévère à jouer son rôle positif dans le développement de la vie culturelle à Tripoli et en faveur du dialogue des cultures et de la diversité culturelle. Ainsi eurent lieu nombre d'activités dont un colloque sur le pluralisme linguistique, un débat autour de la Revue "Phares" première revue de recherche universitaire en littérature et sciences humaines publiée en français au Nord et dont l'un des principaux objectifs était la promotion de l'interculturel, ainsi que plusieurs conférences et tables rondes animées de la même inspiration.

Avec le retour à la normale de la situation de sécurité, la direction du centre fut confiée à un personnel d'employés dévoués dont Mlle Cybille Gondjian, et le centre développa avec ses activités culturelles son action en faveur de l'enseignement du français, auparavant suspendue.

Nommé directeur du centre dans les années quatre-vingt-dix, Jean-Luc Ferro eut la brillante idée de créer le diplôme de D.S.A. destiné aux enseignants de français en vue de consolider leurs compétences à la fois pédagogiques et linguistiques. Les résultats furent très heureux. Son successeur Philippe Hardouin mit ses efforts en concert avec la Municipalité de Tripoli et l'Association Libanaise pour la promotion de la lecture, pour créer le "café poétique" qui pendant deux ans, chaque deuxième jeudi du mois, accueillait dans un café de la ville, les amateurs de la poésie et de la musique….

Bien que la chance n'ait pas été favorable à Marianne Poche, vu les moments difficiles que le Liban a traversé lors de son mandat, elle a pu étendre les activités du centre à un public plus large que les tripolitains, vu l'attention qu'elle accordait aux réfugiés palestiniens du Liban-Nord.

Ce sont quelques stations que la mémoire garde et des moments dont le souvenir éveille la nostalgie, d'autant plus que les changements actuels dans les habitudes et les attentes du public en appellent à une réflexion sérieuse sur les modalités et les moyens de pallier au désintéressement, hélas, sensible vis-à-vis des manifestations culturelles. La tâche du nouveau directeur Robert Horn n'est, certes, pas aisée mais il ne lui manque ni la bonne volonté, ni la patience, ni l'enthousiasme pour la mener à bien et triompher de toutes les difficultés.

 

Zahida Darwiche Jabbour
Professeur à l'université Libanaise



07/12/2009
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